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Tous les petits animaux, de Walker Hamilton

Les animaux sont nos amis, il faut les aimer aussi !


Ouais, j’avoue, je suis de celles qui se laissent attirer par des couvertures de livres tapes à l’œil. Expliquons simplement cela par mon fétichisme des livres : c’est quand même plus classe dans une bibliothèque. Et puis c’est un aspect du métier d’éditeur qu’il faut louer : le livre est un objet, je dirais même un objet de collection, la littérature est de l’art, il n’est que justice qu’un roman ou un album ait une belle couverture.

Bref, pour ma part, il me suffit d’une bonne maquette, comme chez Sonatine ou 10-18 par exemple, pour tenter la lecture d’un livre qui, peut-être à cause de son résumé mal écrit par un stagiaire sous-payé un lendemain de cuite, ne m’aurait pas accroché.
Bon, pour le livre dont je vais vous parler, c’est mon adoration des petits animaux à moustaches et au pelage doux, mon côté bisounours quoi, mon instinct maternel, ma faiblesse sentimentale, qui m’a poussé à vouloir absolument le lire.

Pour tout vous dire, le représentant 10-18 n’a fait que me montrer la couverture en disant : « Bon, euh, pour celui-là j’ai pas de spitch, je sais absolument pas ce que c’est, j’ai pas été briefé… j’ai juste la couv’… »

Et sur la couverture, un lapin faisait du ski.



Comprenez ma faiblesse : un lapin qui fait du ski ! C’est fantastique non ? Bien, il se trouve que finalement, dans le roman, il n’y a pas de lapin qui fait du ski, mais la couverture était quand même assez géniale pour que je me penche dessus.

Il s’agit d’un roman qui s’appelle Tous les petits animaux de l’auteur écossais Walker Hamilton. Il fait partie de ces auteurs injustement méconnu en France, que seuls  les aficionados connaissent. Bien-sûr, en France on nous a privé de sa lecture depuis, eh ben… depuis toujours puisque le roman date de 1968, et que nous ne le publions en France que depuis le début de ce mois d’avril 2012. Pourtant, comme Tante Mame avant lui, All the little animals est un classique aux Royaume-Unis, un coup de cœur de Roald Dahl qui le partageait autour de lui, et même une adaptation cinématographique avec John Hurt et Christian Bale (et pour ceux qui connaissent mon point faible, sachez, mauvaises langues, que je ne savais même pas que ce film existait avant de me renseigner un peu plus sur l’auteur de ce livre, la présence de Mr. Bale est donc juste une coïncidence !).



C’est donc son unique œuvre, mais parfois une seul suffit pour exprimer un grand génie, car oui, on en connait d’autres qui se sont perdus, quelques Coben, Cornwell, Connelly, Werber et autres qui pondent un ouvrage par an, sans plus se soucier de la qualité de l’œuvre, mais juste du chèque à la fin. Ce qui est fort dommage.

J'ai donc lu Tous les petits animaux, qui est un petit roman pas très épais, mais une grande découverte. L’histoire est celle de Bobby, un enfant de... 31 ans. Il vit chez son beau-père, surnommé « le gros » du fait de son tour de taille plus qu’imposant, et qui a une certaine tendance à le maltraiter, le séquestrer, et lui pourrir la vie pour pouvoir récupérer le grand magasin que possédait feu-sa-mère, et qui lui appartient aujourd'hui.                                                                                                                                                  Bobby décide donc de prendre le large dès que l’occasion se présente, et sa route croise celle d’un petit homme très étrange, Mister Summers. Munit d’une pelle, il passe son temps à sillonner la campagne et les routes pour enterrer « tous les petits animaux » à qui la main de l’homme a ôté la vie. Crapauds, putois, lapins écrasés, Bobby va alors aider Mister Summers à récupérer les dépouilles de tous ces petits animaux pour leur donner une sépulture décente. Ce qui va l’aider à oublier la menace du « gros », qui n’est jamais bien loin…

J’ai instantanément pensé à ce livre intitulé Le bizarre incidentdu chien pendant la nuit  de Mark Haddon, en raison de la narration très particulière. Dans celui-ci, le personnage est un adolescent autiste de 15 ans. Il raconte sa vie du point de vue de sa maladie mentale, et le récit est aujourd’hui un classique de la littérature américaine. Dans Tous les petits animaux, Bobby explique qu’il a eu un accident dans son enfance et que visiblement son cerveau ne s’en est jamais bien remit. Effet de mode ? Non, pas tellement puisque Tous les petits animaux est sortie plus de 30 ans avant le roman de Haddon. Précurseur en la matière ? Peut-être, je ne connais pas d’autres œuvres où l’histoire est traitée du point de vue de la maladie comme le fait Hamilton. Le procédé, par contre, qui est de raconter des choses graves et terribles à travers le regard innocent d’un enfant, n’est pas nouveau. Avant lui, on peut penser à Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, livre culte des années 60 aux Etats-Unis, où une petite fille de dix ans parle des horreurs de la ségrégation, ou à Fantasia chez les ploucs, dans lequel un enfant de 7 ans raconte sans bien comprendre les magouilles d’alcools pendant la prohibition, ce qui donne toujours des situations extrêmement cocasses et a tendance à dédramatiser la chose.


Ici, on voit donc la vie à travers les yeux et l’esprit enfantin de Bobby, la perversion qui rôde autour de lui et que son esprit a du mal à assimiler. Des situations qui peuvent paraître au premier abord sans intérêt, et qui sont en fait d’une gravité extrême. C’est ce mélange entre la candeur et l’innocence de Bobby et la réalité abjecte du monde qui l’entoure qui donne tout son sens au livre. Malgré tout le livre n’est pas fait pour être une tragédie, l’auteur a beaucoup d’humour et alterne un bon nombre de situations absurdes et attendrissantes, et certaines anecdotes racontées par Bobby nous font regretter cet état d’esprit perpétuellement émerveillé de l’enfance.

On s’attache très rapidement à ce tandem de choc, Bobby et Mister Summers, les imaginant l’un et l’autre creuser des tombes pour quelque mulot écrasé et prier pour l’âme souillée des escargots dont seule la coquille fêlée est resté collée sur le bitume. Le personnage de Mister Summers est particulièrement intriguant. Lors de sa rencontre (frappante, si je puis dire) avec Bobby, on ne comprend pas réellement ses intentions. Son métier, comme il dit, est de donner une sépulture à tous les petits animaux, mais il ne ramasse jamais d’argent, alors que ses poches n’en sont jamais dépourvues… Petit à petit, Bobby va démêler le mystère, nous raconter son histoire et celle de son mentor, et les deux vont suivre la route dangereuse de la vengeance, car le « gros » n’a qu’à bien se tenir !

Drôle, émouvant, cynique, grinçant, mais je ne vous en dis pas plus… vous n’avez qu’à lire cette petite perle que vous trouverez en vente dans toutes les bonnes librairies ! (comment ça cette phrase est un cliché ? Peut-être, enfin je ne l’avais pas encore écrite… haem)

Et si vous souhaitez découvrir les meilleurs one-shot des grands auteurs américains, je vous conseille aussi La bouffe est chouette à Fatchakulla, de Ned Crabb, mais on en reparlera dans un autre billet, une autre fois ;)

Et comme je viens de la découvrir, le trailer du film, qui a l'air très fidèle au livre

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