Il semblerait que l’on a une fascination pour le pire. L’inévitable.
L’apocalypse ! (roulement de tonnerre et éclairs lumineux – oui ici on
fait le son et lumière aussi) ca a toujours été plus ou moins ainsi, la
littérature regorge de récits apocalyptiques depuis un petit moment déjà, bien
que récemment le phénomène se soit amplifié. Quelle est la cause de cet
engouement pour l’apocalypse ? J’imagine que nos avancées scientifiques
depuis un siècle ont donné des frayeurs à l’humanité qui a compris qu’en poussant
sa chance elle avançait aussi sa disparition. Guerres, pollution, informatique,
virus, nucléaire, mutations… etc. On passe du dérèglement climatique meurtrier
à l’attaque de zombies, à la rébellion des machines, chaque auteur utilise son
scénario catastrophe pour nous donner des frissons et nous nous en délectons !
On aime anticiper et se faire peur.
J’en ai lu quelques-uns de ces romans d’anticipation
post-apocalyptiques, mes préférés étant ceux d’auteurs français comme Barjavel
(et son Ravage) ou Pierre Bordage (sa série des Wang), ou d’auteurs
anglophones comme Robert Charles Wilson (Spin), Lovegrove (Royaumes-désunis) ou de
Jeff Noon (Descendre en marche), sans
oublier Cormac McCarthy (La route).
Le dernier en date que j’ai décidé de lire m’a attiré parce
que sa façon d’aborder l’apocalypse était différente. Son résumé faisait
débuter l’apocalypse… au bug de l’an 2000.
Ah on se souvient tous (ou presque ?
certains de mes lecteurs ont peut-être moins de treize ans, toutes mes
confuses) du passage à l’an 2000. Juste avant, durant l’été, il y avait eu en France
une éclipse solaire totale et Paco Rabanne nous annonçait déjà une première fin
du monde dont le point de départ serait la chute de la station Mir sur Terre.
Puis on nous annonce en grande pompe la possibilité d’un bug informatique très
important pour le jour de l’an 2000, qui ferait péter tous nos systèmes
informatiques et serait le début de la fin du monde tel qu’on le connait.
Dans Ces choses que nous n’avons pas vues venir,
Steven Amsterdam commence son récit
le 31 décembre 1999. Un enfant regarde son père bourrer la voiture de vivres
non périssables et de toutes leurs possessions pour aller se réfugier chez les
grands-parents qui vivent à la campagne. Selon lui, le bug de l’an 2000 aurait
des répercussions que personne ne peut imaginer et tout le monde aurait dû
faire comme lui. Et plus tard, des années après, quand le système du pays aura
implosé, les angoisses de ce père auront laissé une marque sur l’esprit de cet
enfant qui fera tout pour assurer sa survie dans un monde plongé dans le chaos.
Il est difficile de raconter vraiment Ces choses que nous n’avons pas
vue venir. Le premier chapitre où l’enfant à peut-être dix ans ne dure
que quelques pages. Réfugiés dans la campagne, loin de la ville, la
famille a éteint la télévision et attend sans savoir si les coups de minuit
vont vraiment signer la fin du monde occidental connu. Le chapitre s’arrête
juste avant minuit, et le second chapitre prend place après une ellipse
temporelle de plusieurs années, où l’on retrouve notre héros âgé de 17 ans,
jeune délinquant, vivant dans la Ville avec sa famille, où plus un brin d’herbe
ne pousse naturellement, où la nourriture vient à manquer cruellement depuis que
les barricades sont devenues imperméables aux flux d’échanges entre la Campagne
et la Ville. Des années plus tôt, les gens ont dû choisir l’un ou l’autre, ceux
de la Ville n’imaginaient pas que la Campagne leur offrirait une bien meilleure
chance de survie… pour l’instant.
C’est donc le début de l’apocalypse. Steven Amsterdam tisse
son roman sur moins de dix chapitres séparés par des ellipses temporelles importantes.
Entre chaque ellipse s’est visiblement passé un évènement grave qui a déclenché
une nouvelle vague de chaos dans le pays. Il n’explique jamais ce qu'il s’est
passé. On peut seulement se l’imaginer : guerres, famine, catastrophe
climatiques, virus. On ne sait pas si le bug de l’an 2000 a eu lieu, c’est
juste un point de départ pour nous décrire la préparation à la fin d’un
univers, et sans pointer du doigt une seule catastrophe, Steven Amsterdam nous
décrit la fin du monde à travers tous ses catalyseurs. C’est l’effet boule de
neige, l’un emporte l’autre, et tous se suivent pour n’être plus qu’un immense
chaos. Chaque chapitre apporte son lot de désolation, et à chaque fois son
personnage s’adapte pour survivre, en volant, trichant, s’intégrant, fuyant. Ce
n’est pas un modèle d’histoire apocalyptique conventionnelle, elle n’est pas
vraiment linéaire, le récit avance par bonds d’une situation de la vie de ce
héros à une autre, alternant sa déchéance et sa réhabilitation, ses espoirs et
ses chutes.
J’ai adoré cette façon de faire. Le but de Steven Amsterdam
n’est pas de donner des frissons d’horreur à son lecteur en décrivant avec
mille précisions les catastrophes en elles-même, il se contente de conter l’histoire
d’un homme qui tente de survivre à la fin de son monde, et s’adapte sur une
trentaine d’années à l’environnement constamment changeant qui l’entoure. Un
environnement de plus en plus hostile à l’homme, de plus en plus complexe, où
seuls les plus forts et les plus malins s’en sortent. Ce n’est pas un roman
plein d’héroïsme, c’est un roman très sombre, où son héros expérimente les
situations les plus extrêmes, apprend à se blinder contre la nature et l’humanité,
quitte à perdre une partie de sa dignité et ses ambitions. Il s’accroche aux
branches, se contentant de fuir quand les choses tournent au vinaigre, d’être
présent quand les choses tournent à son avantage, et prend chaque jour de sa
vie sans savoir ce qui va suivre, comme si c’était le dernier. Et dans ce monde
discordant que nous montre Steven Amsterdam, l’humanité semble définitivement
voir ses jours comptés.
Ce qui en fait une lecture très intéressante pour le changement qu’elle apporte au genre. Je ne dirais pas que c’est rafraîchissant le terme ne colle pas au roman, d’une noirceur incroyable bien que parsemé d’un humour grinçant, mais ça fait du bien de lire autre chose. Ce pourrait presque être des nouvelles, plus qu’un roman. Certains indices (un autre personnage récurrent, le rappel très bref de certaines situations) nous montre qu’il s’agit du même personnage du début jusqu’à la fin du roman, mais son nom n’est jamais cité, et ce que vit cet homme est le destin auquel ont été livrés un tas d’autres. Chaque chapitre a son but, sa portée, et pourrait presque être lu individuellement, puisque tout ne repose pas non plus sur l’apocalypse, chaque chapitre correspond à une période de l’histoire d’un monde, le destin du protagoniste croise celui de milliers d’autres, et est le prétexte pour raconter une situation après une catastrophe.
Pour Noël, j’ai dû faire une sélection de quatre livres de
SF à mettre en avant dans la boutique. J’ai décidé de mettre celui-là parmi les
poches que je devais choisir. C’est plus qu’un simple roman d’anticipation, et
il devrait plaire aux amateurs de littérature générale.
Et avec l’apocalypse maya qui arrive, les temps sont
exactement à la lecture des romans d’anticipation. Mais oui mes chers amis, on
ne sait pas d’où viendra la fin de notre aventure : les éléments, les
virus, les guerres, qui va déclencher la fin du monde ? Bon, ça bien-sûr,
c’est si vous y croyez. Pour ma part je vais travailler comme une acharnée ce
jour–là pour que le reste de l’humanité qui n’y croit pas puisse acheter ses
cadeaux de Noël en toute tranquillité. Et si une météorite vient me faucher je
serais entre le rayonnage de la BD et de la SF, sereine. Pour les autres je
vous conseiller d’aller boire un verre au Dernier bar avant la fin du monde,
avenue Victoria dans le 1er arrondissement, ils font de bons
cocktails !
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