En ce moment j’ai l’impression de passer mon temps dans les
livres.
Ca vous étonne ? Sachez que parfois je fais autre chose
de ma vie, je vais au cinéma, je regarde des séries télé abrutissantes avec des
acteurs américains aux dents trop blanches, je fais du shopping, je harcèle mon
félin, une vie bien remplie, non ? Et bien-sûr, je lis. Mais depuis que je
suis devenue libraire j’ai réduit mon rythme de lecture.
Jadis, au temps de ma folle (!?) jeunesse, je lisais tout le
temps et partout : au réveil, en mangeant, en marchant, en cours, beaucoup en cours
même, devant la télé, au lit. Aujourd’hui, je fais presque pareil, sauf que
je travaille dans une librairie, au milieu de livres, et contrairement au temps
où j’étais étudiante, je ne peux même pas lire. Ces quatre dernières années, j’ai
donc réduit mon temps de lecture par quatre, laissant de plus en plus de place
aux séries niaises et aux blockbusters si faciles d’accès grâce à ma super
carte UGC/MK2 (ça vous sauve la vie cette carte), et surtout à la glande
internet, cette sorte de trou noir qui semble absorber mon temps comme un
papier d’essuie-tout. Sérieusement, ça vous fait pas là même chose à vous ?
On se dit « je vais allumer l’ordinateur pour regarder la météo et mon
compte bancaire » et on se retrouve à surfer et à cliquer comme des
drogués en manque de dope, complètement perdus dans un autre espace-temps.
Moi ça m’arrive tout le temps. Mais j’ai repris ma vie en
main depuis peu, et j’ai recommencé à accorder tout mon temps à la lecture (je
crois surtout que c’est dû à la pression que me met ma boss sur mes lectures, mais on
va faire croire que c’est mon amour du livre qui surgit à nouveau)
Et donc en ce moment, je me remets à lire trois à quatre
romans par semaine (sans compter les BDs et les albums jeunesse), tellement de
livres que je ne sais même plus quoi chroniquer. Ma PAL (alors là je me la
pète, j’ai mis plusieurs mois à intégrer ce mot « PAL » que tous les
bloggers lecteurs utilisent allègrement, un mot que les non-initiés ne peuvent
pas comprendre, un mot inutile mais qui fait plutôt In, m’enfin au final je l’aime bien ce mot alors je vais arrêter de
faire ma vieille acariâtre), ma Pile
A Lire, pourrait en ce moment me servir de table de chevet tellement
elle est grande.
Bon, alors je vais me décider à choisir l’un des romans que
j’ai lu cette semaine et vous en faire une petite chronique, parce qu’on est là
pour ça, hein, pas vrai ? Elle
digresse, elle digresse, et nous on attend toujours sa fout** chronique !
Oui, oui, bon. Alors sachez qu’ordinairement je ne me laisse pas
avoir par les bandeaux, sous-titres et autres phrases chocs qui annoncent tel
ou tel prix, ou la tirade enthousiaste de Stephen King ou Harlan Coben sur l’œuvre
d’un auteur "Le meilleur roman à suspense de cette année 2012" Les auteurs s'imaginent qu'on va se dire "ah bon, alors si c'est Harlan Coben qui le dit, c'est que ça doit être vrai... mais, c'était pas sensé être le sien selon Michael Connelly ? haem bon..."
Ou alors y a le bandeau marketing honteux sur des classiques incroyables du genre : "Le livre préféré d'Edward et Bella" ! WTF ? où va le monde, mois j'vous le demande ?
Mais il est vrai qu’avec Qu’avons-nous
fait de nos rêves, de Jennifer Egan, je me suis laissée convaincre par l’argument
du « Prix Pulitzer », ce n’est pas rien tout de même. Et puis le
résumé était plutôt alléchant : l’histoire de plusieurs personnages se
croisant entre les années 70 et aujourd’hui, tous passionnés de musique et
ayant des rêves de grandeur. Le vinyle brisé sur la couverture à fini d’achever
mes réticences, et je me suis plongée dans les histoires de Sasha, Bennie,
Scotty, Lou, Dolly… Ils sont tous liés, se sont tous croisés un jour dans leur
adolescence, leurs études, leurs travails, leurs voyages, se sont côtoyés le
temps d’un instant ou plusieurs années, avant de se quitter ou se retrouver.
Qu’avons-nous fait de
nos rêves n’est pas un roman ordinaire, c’est plutôt un recueil de
nouvelles, d’instantanés de vie de plusieurs personnes dans des
situations délicates, des tournants dans leur existence. Le livre commence avec
Sasha, trentenaire, assistante d’un producteur de musique dépressif qui
saupoudre ses cafés de paillettes d’or pur pour retrouver une libido, cleptomane en puissance, qui essaye de changer mais ne peut s’empêcher de voler
chaque personne qu’elle rencontre, amants, amis, passants, pour se sentir
vivante dans une vie sans défis.
Bennie, de son côté, n’a plus de libido. Il ne sait plus si
c’est à cause de son divorce, ou de son boulot qui est à un moment devenu la
plus grosse supercherie de sa vie. Il produit des groupes sans consistance, de
la merde en boîte, et ne ressent même plus de désir pour sa pulpeuse
assistante, Sasha, qui a toujours été son fantasme numéro 1.
Bennie et Sasha, des années 70, où l’un était un jeune
bassiste de punk aux yeux cernés de noirs et aux rêves de succès, où l’autre s’est
enfuie au japon avec son amant, une rock star qui l’a abandonné en cours de
route, et qui a voyagé seule de par le monde, vivant de dope et de tapins.
Bennie et Sasha aujourd’hui, perdus dans leur vie routinière, sans entrain,
ayant oublié leurs véritables désirs, et les gens qui tourbillonnent comme des
satellites autour d’eux, familles, amis, collègues. Tous ont une histoire, et Qu’avons-nous fait de nos rêves retrace
ces trames de vie faîtes d’espoirs, de drames, d’éclats de rire, de colères et
de larmes.
Jennifer Egan est une virtuose pour nous conter ces récits
imbriqués, entremêlés, où chaque personnage présenté intervient dans la vie d’un
autre et qu’il soit majeur ou mineur, tous ont parfaitement leur place dans ce
grand canevas. Selon l’époque, le narrateur et la situation du récit, elle fait
varier son style, passant d’une écriture simple et pleine de clarté à des
phrases percutantes et sous tension. Elle ne respecte absolument aucune
chronologie, et c’est au lecteur de se repérer dans le temps et de mettre l’histoire
complète des personnages bout à bout et de trouver le rythme. Mais la structure
du roman n’est absolument pas dérangeante, et cette façon désordonnée de
présenter la vie de ses personnages est une façon de plus d’illustrer le chaos
qui règne dans leurs vies. Le tout porté par une atmosphère saturée de musique
rock, où Jennifer Egan nous livre sa bande-son du roman : David Bowie, Patti
Smith, Police, Garbage, Iggy Pop…
J’ai passé un bon moment de lecture, certaines histoires
sont plus touchantes que d’autres et le roman est parfois déséquilibré ;
certains personnages moins développés auraient mérités un peu plus
de place, et leur absence dans la suite du livre frustre un peu. Pour éviter
que ça arrive trop souvent, vu le grand nombre de personnages qui valsent dans
le roman, l’auteur n’hésite pas à dire dans son récit ce qu'ils deviennent plus tard « Charlie ne se connait pas. Dans
quatre ans, à dix-huit ans, elle rejoindra une secte établie au Mexique dont le
gourou charismatique préconise un régime à base d’œufs crus et manquera mourir
d’une infection alimentaire, la salmonellose, avant d’être sauvée par Lou... »
Mais Qu’avons-nous fait de nos rêves n’est pas fait pour
être une histoire linéaire, ce sont des diapositives de la vie, et c’est sous
cette forme qu’on apprécie le roman. A mon humble avis, même si je ne l’ai pas
lu en anglais, le Pulitzer est peut-être exagéré, mais je le conseille malgré
tout, pour son piquant rock and roll, pour sa profondeur et les émotions que
chaque histoire suscite, c’est vraiment un bon roman.
J'ai d'ailleurs appris qu'il va être adapté en série télé bientôt par HBO... héhé, je me tiens au courant. (Certains espèrent David Duchovny dans le rôle de Bennie, why not.) Et encore une fois, la traduction du titre est quelque peu ésotérique, puisqu'il s'intitule initialement A visit from the Goon Squad... Ouaip.
Je valide l’inscription de ce blog au service Paperblog sous le pseudo guixxx ».
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